Rappel du contexte
La publication de Séralini et collaborateurs en septembre 2012, accompagnée d’une opération médiatique de grande envergure, a suscité de nombreuses critiques, y compris de personnes qui n’étaient pas intervenues précédemment dans le débat sur les OGM et sans implication dans les biotechnologies. Après avoir publié les critiques et les réponses des auteurs, le journal Food and Chemical Toxicology (FCT) a logiquement retiré cette publication aux conclusions erronées quant à la toxicité du maïs génétiquement modifié NK603 et de l’herbicide associé.
Il n’est pas illégitime que Séralini et coll. republient leur étude retirée. La question qui se pose est double : a-t-il été tenu compte des critiques (ce qui serait une démarche normale en science) et le journal qui publie cette nouvelle version est-il crédible (ne pouvant ignorer les critiques formulées, un journal scientifique digne de ce nom doit veiller à ce que le processus de relecture soit approprié à cette situation).
Lecture critique de la republication
Les auteurs ont essentiellement repris les mêmes conclusions déjà réfutées, en se contentant d’arguments verbaux pour noyer les critiques, sans prendre en compte celles qui sont fondamentales.
Nous prendrons ici uniquement l’exemple des tumeurs. La race de rats utilisée est sujette au développement spontané de tumeurs. Identifier dans un groupe de rats donné un nombre accru de tumeurs, dans un bruit de fond élevé, de manière statistiquement fiable, nécessite un nombre important d’individus. La présente republication est toujours déficiente sur ce point.
Ces tumeurs étaient l’élément le plus spectaculaire de l’opération médiatique menée par les auteurs. Il faut noter qu’ils ont montré des photographies de 3 rats : un rat ayant consommé l’OGM NK603, un autre ayant bu l’herbicide Roundup et un troisième ayant absorbé les deux. Contrairement à la démarche scientifique la plus élémentaire, il n’a pas été montré de rats contrôles (sans consommation de l’OGM ni de l’herbicide). Ces rats contrôles ne sont toujours pas montrés dans la republication (bien évidemment ces rats contrôles étaient porteurs des mêmes tumeurs). Nous sommes donc en présence d’une utilisation de l’image qui ne s’inscrit pas dans une démarche scientifique, mais dans une volonté de propagation d’une thèse (erronée). L’assemblage suivant (en forme de boutade) résume ce à quoi aurait pu resembler une présentation scientifiquement correcte, mais sans le même effet médiatique...
Réflexions critiques sur le journal
Cette republication parait dans Environmental Sciences Europe qui est un journal qui a l’habitude de publier des articles de militants anti-OGM.
Conclusions
Nous ne sommes pas ici dans une controverse scientifique. J’ai proposé dans mon dernier ouvrage de décrire ce phénomène nouveau par le terme de "science" parallèle :
- La mise en cause des OGM (et d’autres technologies) n'est pas basée sur des faits, mais sur des choix personnels.
- La "science" parallèle est imperméable aux critiques du reste de la communauté scientifique (2 droites parallèles ne se rejoignent jamais).
- Seule compte la médiatisation de l'opération : il ne s'agit pas de convaincre les autres scientifiques, le but de toute publication scientifique traditionnelle. L’opération est d'autant plus efficace qu'elle s'approprie pour les non-initiés le prestige d'une démarche "scientifique".