La querelle des OGM résulte de l’exacerbation d’un conflit politique. La colère emmagasinée par un assemblage hétéroclite d'opposants au capitalisme et à la mondialisation, influencé par l’écologisme, loin de la culture traditionnelle de la Gauche, s’est transformée en haine canalisée vers les OGM. D’une fixation conceptuelle initiale, une véritable idéologie anti-OGM s’est constituée. Celle-ci a produit un puissant mouvement de déformation des faits qui entretient la confrontation.
Les psychosociologues ont montré il y a déjà longtemps que toute frustration entraîne des réactions agressives contre celui qui l’a provoquée. Lorsque les frustrations s’accumulent et que l’on ne peut efficacement agresser le responsable supposé, un bouc émissaire est choisi comme cible des préjugés. Les OGM, ou plus précisément Monsanto, sont en l’occurrence un bouc émissaire tout désigné. Mais quand les réactions d’hostilité rencontrent une deuxième frustration, celle de voir la cible poursuivre son chemin, alors un bouc émissaire secondaire est désigné :
la nouveauté de notre époque est que la recherche publique est devenu ce bouc émissaire secondaire, accusé au mieux d’incompétence ou d'irresponsabilité ou, encore d’être « vendu » aux industriels.
La lutte proclamée contre la mondialisation se limite ainsi souvent à des campagnes antisciences, où détruire des champs ou des laboratoires de recherche publics tient lieu d’exutoires violents, sur un terrain fort éloigné de ce qui, en principe, lui a donné naissance.
Témoignant du magistère qu'exerce l'idéologie anti-OGM, au-delà de ces cercles initiaux, le gouvernement français n'est pas en reste pour s'en prendre à la recherche publique (en l'occurrence celle chargée de l'évaluation des OGM).
Devant la publication de faits montrant les manipulations des idéologues, le croyant ne se retournera pas vers les auteurs des mensonges, mais vers celui qui lui a exposé les mensonges (souvent la recherche publique dans le cas des OGM). Ce qui confirme bien le caractère idéologique de l’opposition aux OGM (« l’idéologie fuit les faits », comme l’a bien montré Jean-François Revel).