Le Professeur de sociologie rurale Frederick Buttel a identifié pas moins de 6 courants d’« agro-écologie »: agro-écologie écosystémique, écologie agronomique, économie politique écologique, écologie des agro-populations, agriculture multi-fonctionnelle (dimension du paysage, articulation entre territoires et secteurs), holon agro-écologie (gestion adaptative permanente).
Rassurons immédiatement les lecteurs, nous n’allons pas tenter d’expliquer ces concepts ! Allons à l’essentiel : si on combine ces multiples interprétations, à la citation attribuée au Cardinal de Retz, « on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment », on comprendra tout l’intérêt d’un concept aussi flou pour les politiciens.
Plaire à tous avec un concept-valise ?
En France, concrètement, l’agro-écologie a plusieurs sens :
-une discipline scientifique émergente, au carrefour de l’agronomie et de l’écologie,
-une démarche de gestion agricole qui vise à adapter ses pratiques afin de tirer un plus grand parti des ressources naturelles de l’agroécosystème,
-une idéologie, caressée dans le sens du poil par la stratégie politicienne du Ministre Stéphane Le Foll, où l’agro-écologie n'est pas vue comme alternative à une agriculture non durable, consommant trop d'intrants et ne respectant pas l'environnement, mais comme une agriculture sans intrants et sans OGM. Il s'agit donc d'enlever des roues au tracteur !
L’agro-écologie est en effet l’un de ces concepts à forte valeur médiatique dont raffolent certains politiciens, car ils permettent de faire de la politique quand on n’a pas de politique : chacun y mettant ce qu’il veut, on ne fâchera personne. De plus, il est en parfaite adéquation avec le vocable en vogue : la « transition » (énergétique, ou ici de l’agriculture) : on fera ainsi croire que l’on pilote au centre une infinité de paramètres excentrés.
En fait, l’agriculture a déjà changé et les agriculteurs, sur lesquels pèsent déjà de multiples contraintes environnementales (interdictions, réglementations, normes, etc.), apprécieront que des citadins privilégiés aient décidé qu’il faudra désormais « produire autrement » !
Une science sous la contrainte d’impératifs politiques partisans
L’INRA, déjà soumis aux diktats ministériels pour ne plus faire de recherche impliquant des OGM, a donc fait de l’agro-écologie un « chantier prioritaire ». L’Institut, ainsi, « mobilise ses capacités pour une science qui anticipe (!) et accompagne les mutations de l’agriculture et contribue à une sécurité alimentaire et nutritionnelle durable au XXIe siècle ».
Dans une vision digne d’un gosplan soviétique, pour Le Foll, « le socle de connaissances acquis en agro-écologie permettra d’accompagner des systèmes agricoles innovants, combinant performances économiques, sociales et environnementales, en proposant des évolutions au sein des filières et des territoires ». On reconnaitra ici la vision totalisante de l’écologisme (la défense de l’environnement doit intégrer les aspects socio-économiques, ou supposés tels). Petit problème : dans son document d’orientation 2010-2012, l'INRA se fixe comme objectif la convergence (difficile) dans l’agro-écologie des connaissances de l’agronomie et de l’écologie, « disciplines historiquement disjointes ». Vouloir combiner, par décision ministérielle, cette « nouvelle science » (dans laquelle la France n’est pas leader, la discipline existe en Allemagne par exemple depuis les années 30 !) avec des aspects socio-économiques de nature clairement différente, éminemment soumis à des interprétations idéologiques, relève au mieux d’une gageure.
La comparaison avec le système soviétique peut paraître injuste
Effectivement, ce dernier a été capable d’assembler des fusées et de les envoyer dans l’espace. Ici, ce qui est proposé avec l’« agro-écologie », ce sont des étages de fusées qui, en l’état, ne peuvent s’assembler. Et en plus on ne veut pas construire certains étages !
Pour une agronomie sans idéologie
Qu’y a-t-il de plus compatible avec des pratiques agro-écologiques qu’une plante qui possède, comme le maïs MON810, une défense propre contre des insectes ravageurs, compatible avec la réduction de l’usage des pesticides chimiques et leur utilisation raisonnée. Compatible aussi avec une lutte intégrée pour assurer la durabilité des pratiques. Seulement voilà, le MON810 est un trait génétique de type OGM, et sur lui se focalise ainsi le sectarisme de l’écologie politique et l’irresponsabilité des politiciens qui s’acharnent à détruire les biotechnologies végétales, dans une stratégie où seule compte la prochaine échéance électorale ou son portefeuille ministériel.