Adapté de ma tribune publiée le 26 mai par le Figaro Vox
Beaucoup d’analystes ont noté la propension des idéologues à greffer leur vision du monde sur la crise du Covid-19, ses causes et sur le «monde d’après». D’un autre côté des spécialistes, de la médecine notamment, tiennent dans les médias, sauf exceptions, des propos rationnels et ouverts au doute face à un virus dont on ne sait pas tout. Les scientifiques seraient-ils naturellement immunisés contre l’idéologie? La réalité du monde scientifique est en fait bien plus inquiétante.
Faisons d'abord un détour par l’appel «Non à un retour à la normale» de 200 artistes. On notera, si on a pu lire l’indécent appel jusqu’au bout, qu’il a également été signé par des scientifiques. Ces derniers veulent-ils eux aussi devenir des «famous people»? Vanitas vanitatum et omnia vanitas.
L’intrusion de l’écologie d’'idéologie en science
Plus alarmantes sont les affirmations sans base scientifique, reprises par certains scientifiques, sur la cause du Covid-19 ou sa propagation, dont le «dérèglement» du climat, l’agriculture intensive; les activistes anti-pesticides dénonçant, devinez quoi, «les parallèles évidents entre la crise du coronavirus et l’expansion sans fin des pesticides» (il faut comprendre les pesticides de synthèse, pas ceux utilisés en agriculture biologique!). Cette sélective propagande anti-pesticide a eu, depuis des années, l’appui de scientifiques dont le but de recherche est de montrer l’impact, dogmatiquement présupposé délétère, des éléments entrants dans la production de l’agriculture moderne.
Alors que l’influence alléguée des industriels est dénoncée en boucle, le mélange de plus en plus problématique entre démarche scientifique et a priori idéologiques l’est rarement. Il a atteint des sommets avec la récente campagne médiatique, initiée par quelques scientifiques sur une «biodiversité maltraitée» qui serait, affirment-ils, la cause de la pandémie actuelle.
Le mode de financement actuel de la recherche publique pose problème
Nous touchons là également à un autre problème majeur, celui du mode de financement actuel de la recherche publique. Sa planification à l’excès, via des appels d’offre d’organismes publics, favorisent les bonimenteurs, ceux qui n’auront aucun scrupule à prétendre que leurs recherches vont d’une manière ou d’une autre «sauver la planète». Si votre sujet de recherche affiché est de documenter le rôle de la biodiversité comme facteur central dans l’émergence des maladies infectieuses, vous vous condamnez à confirmer vos préjugés… pour continuer à recevoir des subsides publics.
Des dirigeants scientifiques qui ne distinguent plus le vrai du faux
Cette organisation perverse de la recherche touche toutes les couches du millefeuille bureaucratique de la science étatique. La compétition de tous contre tous concerne aussi les organismes de recherche et les «Alliances» qui fédèrent la recherche publique française autour de thèmes transversaux. Ainsi on a pu lire «seize dirigeants d’organismes scientifiques», en fait tous membres de l’Alliance pour l’environnement (AllEnvi), s’alignant sur cette information non démontrée: «La pandémie de Covid-19 est étroitement liée à la question de l’environnement».
De plus, l’inouï battage médiatique sur ce sujet a-t-il pu se mettre en place sans le soutien actif d’un service de communication d’un organisme scientifique?
En réalité, il n’existe absolument aucune étude établissant un lien entre la crise actuelle et la biodiversité.
Ce dernier concept est aujourd’hui utilisé à tort et à travers, comme synonyme de nature. Des animaux maltraités sur un marché en Chine, cela n’a rien à voir avec «la biodiversité». Scientifiquement la biodiversité comporte différents niveaux (diversités de gènes, espèces, écosystèmes, etc.). Il est fallacieux de lier un quelconque phénomène à «la» biodiversité sans en préciser le niveau.
Il est tout aussi spécieux de vouloir regrouper toutes les maladies qualifiées de zoonoses comme dérivant d’une cause unique. Chacune est un cas particulier. Suivant les maladies, les études suggèrent en fait une participation positive, neutre ou négative du niveau de biodiversité étudié. Ces études restent dans le domaine de la corrélation et non pas de la seule preuve qui vaille, celle de la démonstration d’une cause à effet.
Les dérives actuelles de la recherche vont plus loin, pour atteindre les confins de la «méconduite».
Ainsi, une Note de l’Académie d’agriculture de France intitulée «Santé et alimentation: attention aux faux semblants statistiques! » alerte à bon droit sur «plusieurs études épidémiologiques très médiatisées [qui] déclarent avoir observé des liens statistiques forts entre le risque de cancer et la consommation d’aliments bio ou [à l’inverse] ultra-transformés» mais «dont un examen attentif montre la fragilité…».
Bien d’autres thèmes sont concernés par une «fragilité», comme les études prétendant prouver que les scientifiques femmes sont discriminées, les rangeant ainsi par idéologie dans une catégorie victimaire.
Le diagnostic de la maladie
La recherche scientifique est donc bien malade, de son organisation bureaucratique, du politiquement correct (préféré à la distinction du vrai et du faux), de l’idéologie écologiste pour certains, et d’une incapacité croissante à penser «hors de la boite» pour remédier à ses problèmes.