Mis à jour le 25 août 2015
Les destructions d’expérimentations de champ d’OGM ont été initiées en France en 1997 (un essai de Monsanto). Dès 1999, la recherche publique fut attaquée elle-aussi. Des essais de deux équipes de l’INRA, en collaboration avec le CETIOM, réalisés à Gaudiès (Ariège) ont été détruits le 2 juin 1999 et le 13 avril 2000.
Ces expérimentations au champ étaient destinées à évaluer les possibilités de croisements entre le colza et la ravenelle, une espèce sauvage apparentée. Au total j’ai pu répertorier environ 80 actes de destructions contre des expérimentations de la recherche publique en Europe. La plupart examinaient des questions utiles pour l’évaluation de risques (voir OGM, la question politique, PUG, 2014).
Dans un certain nombre de cas, d’autres dommages à des propriétés, des menaces ou des violences contre des personnes ont été constatés. Aucune destruction n’a pu être empêchée par des tentatives de dialogue engagées par les chercheurs.
Une composante anti-science
Ces destructions ne se sont pas limitées à des essais en champ. Le 5 juin 1999, un groupe emmené par José Bové pénétrait par effraction dans une serre du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), où furent détruits des cultures de riz et des ordinateurs. Selon les anti-OGM, cette action « visait à dénoncer les dérives de la recherche publique française en matière d’OGM ». Les affiches collées par les assaillants étaient explicites : « Démasquons les chercheurs. Vidons les laboratoires »…
Le Cirad a aujourd’hui abandonné ses recherches en matière d’OGM. Le 13 juillet 2013, l’INRA a du détruire le dernier essai au champ d’OGM en France, en l’occurrence des peupliers, faute de prolongation de l’autorisation par le gouvernement.
Plus d’essais au champ, voici les intrusions dans les laboratoires
En France, une nouvelle phase vers un contrôle de la recherche publique sur les OGM par des groupes politisés s’est ouverte le 23 mai 2011 : des activistes ont investi le Centre INRA d’Angers (Beaucouzé) pour s’opposer à des expérimentations en milieu confiné de poiriers transgéniques résistants au feu bactérien. Cette intrusion était qualifiée, dans la phraséologie anti-OGM, d’« inspection citoyenne ».
Le 25 juin 2014 une nouvelle intrusion a eu lieu dans un laboratoire de l’ENS de Lyon associé à l’INRA pour s’opposer au projet Genius. Ce projet de recherche porte sur « la technologie des nucléases [qui] permet désormais des modifications du génome végétal d’une très grande précision.
Le 2 octobre 2014 une intrusion a eu lieu à l’INRA d’Avignon, toujours en opposition au projet Genius.
Le 17 août 2015 une intrusion a eu lieu à l'INRA de Colmar contre un projet de vigne pourtant abandonné suite à des destructions en 2009 et 2010.
Après 15 ans d’attaques, toujours aucune stratégie opérationnelle pour s’y opposer
Sur le site du projet Genius on peut lire que « des avancées récentes en transgénèse proposent maintenant des réponses à certaines craintes citoyennes ». Peut-on réellement penser qu’une avancée technique va dissiper les « craintes ». N’est-ce pas ignorer que ces peurs ont été politiquement construites et qu’il n’est pas question pour les opposants de les laisser s’éteindre.
Lors de l’intrusion à Angers, la réaction de l’INRA a été d’organiser des « débats ». Le premier a impliqué une chercheuse responsable du projet face à un scientifique anti-OGM notoire qui a rodé son discours militant depuis une vingtaine d’années. Dès le second débat les lobbies de l’écologie politique invités étaient en surnombre. Lors des trois débats le logo du « collectif nos campagnes sans OGM » (qui soutient les destructeurs d'expérimentations) figurait à côté de celui de l’INRA ! Peut-on réellement croire qu’une telle approche relativiste, pour ne pas dire de capitulation en rase campagne, va avoir d’autres effets que celui d’encourager les opposants à s’en prendre à d’autres cibles. VIDEO
Les débats sur les OGM ont déjà eu lieu, notamment sous l’égide de parlementaires entre 1998 et 2005, qui ont auditionné toutes les parties intéressées. L’INRA, sous la houlette de sociologues postmodernes, s’est essayé entre 2005 et 2010 à un projet participatif pour son essai de vigne à Colmar : je ne reviendrai pas sur ce coûteux fiasco, déjà évoqué.
Quel sens peut avoir, pour la recherche publique, de débattre avec des militants politiques dont le but réel est de mettre des bâtons dans les roues de l’économie, en sabotant les innovations techniques ? Les chercheurs vont-ils négocier avec eux la « sortie du capitalisme » ?
Syndrome de Stockholm ?
Victime de violences, d’intimidations, de marchés de dupes (Colmar par exemple) : la recherche publique est prise en otage par des manœuvriers politiques.
Prise d’otages et situation hautement stressante (les chercheurs ne sont pas formés à de tels affrontements sans scrupule) peuvent donner lieu au syndrome dit de Stockholm, un aménagement psychologique qui voient les victimes se solidariser avec leurs agresseurs, et même s’identifier à eux.
Exagération ? Que chacun en juge : en 2013 l’INRA de la Région PACA a accepté la proposition d’un lobby de l’écologie politique (Fondation Sciences Citoyennes, FSC) d’un « partenariat » sensé amener les chercheurs à réfléchir sur « leur responsabilité sociale et environnementale » (une convention a même été signée).
Ironie de l’histoire, à quelques jours de l’intrusion à Avignon a eu lieu un Café des Sciences « Citoyen » dans la même ville, afin de présenter un dispositif de « partenariat Institutions-Citoyens pour la recherche et l’innovation » (PICRI). Son annonce porte le logo de FSC et de l’INRA. Dans son Comité d’organisation cohabite (entre autres) le Président du Centre de Recherche INRA-PACA et un militant de FSC, pétitionnaire habituel du lobby écologiste et soutien d’« Appel public à la solidarité financière avec les faucheurs volontaires »…
A voir la détérioration, année après année, de la situation de la recherche publique (il est vrai que les deux derniers gouvernements y ont fortement contribué), ne serait-il pas temps d’envisager une véritable stratégie de résistance face à une idéologie liberticide, plutôt que d’illusoires tactiques d’évitement ?