Par Henry I. Miller
Pensez ce que vous voulez de Greenpeace, l’organisation a toujours eu du flair pour la publicité. Depuis ses débuts quand elle détournait les harpons et les baleiniers japonais dans des hors-bords, elle a montré une aptitude à utiliser les médias, ainsi que pour le théâtre politique, avant de devenir ce géant avec plus de 360 millions de dollars par an et des bureaux dans plus de 40 pays.
Mais ce que peu de gens savent, c’est que Greenpeace ne fait pas que sauver les baleines et d’autres créatures marines attachantes. Sa machine de relations publiques est maintenant le fer de lance d’un effort pour priver des millions d’enfants dans les pays les plus pauvres d’une nourriture essentielle à l’éradication de la cécité et de la mort.
Les cibles sont les nouvelles variétés végétales appelées collectivement riz doré. Le riz est une nourriture de base pour des centaines de millions de gens, spécialement en Asie. Bien qu’il soit une excellente source de calories, il manque de certains microéléments indispensables à un régime complet. Dans les années 80 et 90, les scientifiques Allemands Ingo Potrykus et Peter Beyer ont développé le riz doré qu’ils ont « biofortifié » ou enrichi par des gènes codant pour la synthèse de béta-carotène, précurseur de la vitamine A.
La déficience en vitamine A est épidémique parmi les populations pauvres dont le régime est principalement composé de riz ne contenant ni béta-carotène ni vitamine A. Dans les pays en développement, 200 à 300 millions d’enfants d’âge préscolaire risquent une déficience en vitamine A ce qui augmente leur susceptibilité à la maladie, y compris la rougeole et les troubles diarrhéiques. Chaque année, environ un demi million d’enfants deviennent aveugles par manque de vitamine A et 70% d’entre eux meurent au bout d’un an.
Le riz doré pourrait ainsi contribuer à la santé humaine, comme l'a fait le vaccin antipolio de John Salk. Au lieu de cela, des groupes anti-technologistes tels que Greenpeace ont déjà donné aux législateurs précautionnistes des prétextes politiques pour retarder les autorisations.
La nourriture dérivée d’organismes transgéniques a été la bête noire de groupes d’extrême-gauche pendant des années, peut-être parce qu’elle combine deux « grands satans », celui du « non-naturel » et souvent celui de leur obtention par des labos de recherche privés. Greenpeace n’a pas été ébranlée par le consensus scientifique sur la sécurité des cultures génétiquement modifiées - un consensus qui est le résultat de centaines d’expériences d’évaluation des risques et aujourd’hui de la grande expérience du monde réel qui a consommé cette nourriture. Rien qu’aux Etats-Unis, environ 85% du maïs et 91% du soja cultivés sont génétiquement modifiés, et après presque 20 ans de consommation dans le monde entier, pas un seul problème sanitaire ou environnemental n’a été rapporté.
Greenpeace a varié dans ses arguments, en alléguant soit que les niveaux de béta-carotène dans le riz doré sont trop bas pour être efficaces, soit qu’ils sont trop hauts et toxiques. Mais les essais de nourrissage ont montré la haute efficacité de ce riz pour prévenir la déficience en vitamine A. De plus, la toxicité est virtuellement impossible. Ainsi, sans aucune base scientifique pour soutenir son antagonisme, l’organisation a été forcée d’adopter une nouvelle stratégie : essayer de stigmatiser les Etats en développement qui examinent l’adoption de ces produits susceptibles de sauver des vies.
En Août, Greenpeace a publié un communiqué de presse affirmant que 24 enfants avaient été utilisés « comme cobayes dans un essai de riz doré génétiquement modifié ». L’article se référait aux résultats d’une étude de 2008 conduite par des chercheurs chinois et la Tuft University, et subventionnée par le département Américain d’Agriculture et le National Institute of Health.
L’étude de 2008 démontrait que les nouvelles variétés de riz doré fournissaient réellement assez de vitamine A et étaient en cela supérieures à l’épinard. Quant à l’éthique de cette opération, l’article de journal établissait clairement que « les élèves et leurs parents avaient été consentants ». (NDLR : en fait ce qui est reproché aux chercheurs chinois, c'est que le document soumis aux parents mentionnait "riz enrichi en caroténoïdes" et non pas "transgénique")
Ce communiqué de presse déclencha cependant une fureur en Chine. Des agences chinoises publièrent incorrectement que les chercheurs avaient pratiqué de dangereuses expériences non autorisées sur des enfants pauvres. Quelques jours après, la police chinoise interrogea les chercheurs et les forcèrent à publier un désaveu de cette recherche.
Alors que Tufts coopère avec les organisations chinoises et les organismes responsables aux USA pour établir les faits, pour le moment, Greenpeace a atteint son but qui est de retarder significativement, sinon en réalité d’éliminer le développement futur du riz doré en Chine.
Greenpeace est aussi en train de transférer sa campagne de peurs vers d’autres nations. Aux Philippines, où des essais de riz doré sont en cours, Greenpeace avertit que « le prochain cobaye du riz doré peut être un enfant philippin » et a persuadé la conférence des Evêques Catholiques des Philippines, la plus haute autorité catholique de ce pays, de s’engager contre le riz doré.
La raison pour laquelle Greenpeace - qui a aussi recueilli des fonds en se vantant de saboter des efforts pour tester des cultures résistantes aux insectes qui utilisent moins de pesticide - persiste dans certaines de ses campagnes n’a jamais été claire. Mais aucune de celles-ci n’est plus dangereuse pour les enfants du monde que son attaque sur le riz doré.
Le docteur Miller, médecin et biologiste moléculaire, est un membre de L’institut Hoover de Stanford University. Il a été le directeur-fondateur du Bureau de Biotechnologie de la FDA (Food & Drug Administration).
Son ouvrage le plus récent est The Frankenfood Myth (éd.Praeger, 2004).
Traduction de Colette Galleron. Read the original version here.
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