Le débat sur les OGM est terminé – à nouveau. La semaine dernière, la prestigieuse Académie Nationale des Sciences, de l’Ingénierie et de la Médecine (États-Unis) a publié le rapport le plus ambitieux jamais produit par la communauté scientifique sur les plantes et aliments génétiquement modifiés (GM). La conclusion est formelle : après l’examen de centaines de publications scientifiques sur le sujet, des heures de visionnage de témoignages d’activistes et la prise en compte de centaines de commentaires du grand public, les scientifiques ont écrit qu’ils n’ont « pas trouvé de preuve étayée que la nourriture produite à partir de plantes génétiquement modifiées était moins sûre que la nourriture produite à partir de plantes non génétiquement modifiées ».
La méthode de l’Académie Nationale a été à la fois étonnamment inclusive et explicitement consensuelle. Comme précisé dans la préface de leur rapport, les scientifiques ont « pris en compte tous les commentaires » – aussi absurdes soient-ils – comme des « défis constructifs » et les ont considérés attentivement. De ce fait, le comité d’experts a écouté avec patience l’adepte de la lévitation yogique devenu militant anti-OGM Jeffrey Smith en lui donnant généreusement un créneau de 20 minutes lui permettant d’affirmer comme à son habitude que la nourriture génétiquement modifiée était responsable d’environ tous les maux modernes imaginables. Greenpeace aussi a offert son témoignage. De même que Gilles-Eric Séralini, le professeur Français qui a subi l’ultime indignité scientifique de voir son papier, proclamant que les OGM induisaient des tumeurs chez les rats, rétracté en 2013.
Chacune de ces affirmations ont été examinées les unes après les autres. Est-ce que la nourriture GM provoque des cancers ? Non – les changements d’incidence de cancers au cours du temps sont « en général similaires » entre les États-Unis, où les aliments GM sont partout, et le Royaume-Uni, où ils sont pratiquement inconnus. Qu’en est-il des maladies du rein ? Les taux aux États-Unis sont stables depuis un quart de siècle. Obésité et diabète ? Il n’y a « pas de preuve publiée pour soutenir cette hypothèse » ou de lien entre ces maladies et la nourriture GM. Maladie cœliaque ? « Pas de différence majeure » entre les États-Unis et le Royaume-Uni, encore une fois. Allergies ? « Le comité n’a pas trouvé de relation entre la consommation de nourriture GM et l‘augmentation de la prévalence des allergies alimentaires ». Autisme ? De même, les comparaisons États-Unis et Royaume-Uni « ne valident pas l’hypothèse de l’existence d’un lien».
Dans un monde rationnel, toute personne effrayée par les OGM à propos des effets sur la santé devrait lire le rapport, pousser un immense soupir de soulagement puis commencer à chercher des explications fondées sur des preuves plus étayées (science-based) afin d’expliquer les tendances inquiétantes de problèmes de santé tels que le diabète, l’autisme et les allergies alimentaires. Mais les associations psychologiques développées depuis plusieurs années sont difficile à briser. Un sondage réalisé par Pew Center Poll en 2015 a montré que seulement 37% du public pense que la nourriture GM est sans danger, comparé à 88% des scientifiques, soit un écart plus important que toute autre controverse, y compris celles sur le changement climatique, la théorie de l’évolution et la vaccination des enfants en bas âges. Ces attitudes profondément ancrées ne sont pas prêtes de disparaître – particulièrement depuis qu’elles sont continuellement renforcées par un lobby anti-OGM qui se fait beaucoup entendre et qui est bien financé.
Il y a également une influence de la politique. La loi sur l’étiquetage obligatoire des produits OGM au Vermont, dont on prévoit qu’elle plonge les producteurs et détaillants alimentaires américains dans le chaos lors de son entrée en vigueur le 1er juillet prochain, repose sur l’hypothèse explicite que la nourriture GM pourrait être dangereuse. « Il y a un manque de consensus concernant la validité des recherches et de la science autour de la question de la sécurité de la nourriture génétiquement modifiée » énonce la loi dans son préambule. En effet, cette nourriture « présente potentiellement des risques pour la santé [et] la sécurité ». Est-ce que la législation du Vermont va changer sa loi maintenant qu’il est clair qu’elle se tient du mauvais côté d’un très solide consensus scientifique ? Bien sûr que non.
Le rapport de l’Académie Nationale devrait être une lecture particulièrement inconfortable pour le mouvement environnementaliste, dont beaucoup de leaders présentent désormais toutes les caractéristiques d’un profond déni de la science sur le sujet. Une porte-parole des Amis de la Terre a discrédité le rapport en le qualifiant de « trompeur » avant même de l’avoir lu. Le site internet de ce groupe prétend que de « nombreuses études » démontrent que la nourriture GM peut poser des « risques sérieux » pour la santé humaine. Un autre groupe environnementaliste, Food & Water Watch, a publié un article de réfutation accusant de façon conspirationniste l’Académie Nationale d’avoir des liens secrets avec Monsanto, avant de réaffirmer « qu’il n’y a pas de consensus, et qu’il existe encore un débat très animé au sein de la communauté scientifique… à propos de la sécurité et des mérites de cette technologie ».
Mais en dépit de ces dénégations bruyantes, la vérité est qu’il n’y a pas plus de débat concernant la sécurité des cultures GM que sur la réalité du changement climatique, dont le consensus scientifique est défendu par ces mêmes groupes. Et l’ironie de l’histoire va même plus loin : nombre de stratégies employées pour diaboliser les OGM sont héritières des stratégies des climato-sceptiques. Il y a la même promotion de l’existence de faux « non-consensus scientifiques » par des groupes d’experts autoproclamés. Plus de 300 « scientifiques et juristes» ont signé une pétition affirmant qu’il n’y a « pas de consensus sur la sécurité des OGM » l’année dernière, nous rappelle Greenpeace. Cela peut paraître beaucoup, jusqu’à que vous le compariez avec les 30 000 « scientifiques américains » qui auraient signé une pétition affirmant qu’il n’y a pas « de preuve scientifique solide » liant le CO2 au changement climatique, que Greenpeace (à juste titre selon moi) ignore.
Il reste cependant de la place pour d’authentiques contestations. Le rapport de l’Académie Nationale est zélé quand il s’agit de pointer du doigt certaines des difficultés et conséquences des OGM. L’utilisation massive de culture GM est en effet selon le rapport responsable de l’évolution croissante de résistances, à la fois chez les mauvaises herbes et chez les insectes. De plus la domination de la technologie par l’industrie peut restreindre l’accès des semences GM aux petits agriculteurs dans les pays les plus pauvres. L’étiquetage obligatoire des OGM pourrait être un bon moyen de redonner confiance au publique dans un système de production alimentaire plus transparent.
Mais ces vrais points de débats ne remettent pas en cause la qualité des aliments. Ce problème est définitivement réglé. Soyons donc clair encore une fois : le débat est fini. Si vous vaccinez vos enfants et croyez que le changement climatique est vrai, vous devez arrêter d’avoir peur de la nourriture génétiquement modifiée.