Les choix éthiques à propos des OGM sont liés au regard que l’on porte à la Nature. Avec Descartes, la Nature est devenue un objet de connaissance dont la maîtrise apportait un bien pour l’homme, d’où une éthique de la connaissance qui, dans le sillage des Lumières, a été portée par Kant au niveau des catégories de l’entendement humain et par extension est entrée dans le cadre déontologique des devoirs moraux de l’homme envers lui-même et envers autrui.
Si l’éthique déontologique a toujours cours, un changement radical a été apporté par la prise en compte de l’être de la Nature, passé de l’ordre de l’objet admiré et contemplé à celui d’existant, à une subjectivité sans sujet. Ainsi, Hans Jonas, devant les progrès de la technique a dégagé une éthique de la responsabilité, contribuant à faire passer la morale d’un ordre formel à un ordre concret. Jonas a réagi devant les débordements de la technique mettant en péril la Nature et a contribué de façon importante à l’établissement d’un fondement théorique de l’écologie. Cette dernière attitude s’est développée, mais s’est aussi radicalisée.
Les scientifiques, notamment à propos des OGM, se trouvent très souvent à soutenir à la fois une morale de la connaissance associée à la maîtrise cartésienne de la Nature en vue du bien de l’homme et à développer, devant les excès non contrôlés des technosciences, une éthique raisonnée du respect de la Nature. Cette éthique, synthèse de deux éthiques différentes révélées par l’histoire humaine, trouve un accord avec une éthique plus pragmatique, développée dans les milieux anglo-saxons, qui sous couvert d’utilitarisme s’écarte - sans doute trop – d’une tradition gréco-européenne attachée à la défense d’une spécificité humaine.
Régis Mache, Professeur honoraire de l'Université Joseph Fourier, Grenoble
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