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  • : OGM : environnement, santé et politique
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Introduction

Le propriétaire de ce site ne dit pas si les OGM c’est bien ou mal, s’il faut en manger ou pas. Il n'est payé ni par Monsanto, ni par Carrefour, ni par Greenpeace... (lire la suite).    

Ses analyses sur les biotechnologies ont été poursuivies sur le cadre idéologique plus large, celui de la postmodernité.

 

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L'auteur

Marcel Kuntz est biologiste, directeur de recherche au CNRS et enseignant à l’Université Grenoble-Alpes, ses seules sources de revenus. Ses analyses n'engagent pas ses employeurs.

 

Nouvel ouvrage:

De la déconstruction au wokisme. La science menacée.

Notes pour la Fondapol (téléchargeables)

Glyphosate, le bon grain et l'ivraie

 

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Autres ouvragescouv grand public :

OGM, la question politique

 

 

 Les OGM, l'environnement et la santé  

 

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14 décembre 2009 1 14 /12 /décembre /2009 15:18

Le temps (Genève)
Mardi 8 septembre 2009

Pourquoi l'Allemagne a chassé des OGM de son sol
Marcel Kuntz chercheur au CNRS

L’office fédéral allemand en charge de la protection des consommateurs a suspendu récemment la culture de maïs transformés, invoquant un risque pour certains insectes. Or, selon l’auteur, cette interdiction est purement politique. Il évoque également des manœuvres en France.

L’Administration en charge de la Protection des consommateurs et de la sécurité alimentaire (BVL) du gouvernement fédéral allemand vient de suspendre l’autorisation de cultiver des maïs génétiquement modifiés. Pourtant, ces maïs de type MON810, résistants à certains insectes ravageurs, dont la pyrale (une chenille), ont une autorisation de culture déjà ancienne: depuis 1995 aux Etats-Unis et depuis 1998 dans l’Union européenne. L’ordre de suspension du BVL mentionne des effets sur l’environnement de ces maïs, plus précisément sur des insectes dits non cibles (par exemple des coccinelles). Le BVL affirme s’appuyer sur des travaux scientifiques dont certains apporteraient des éléments nouveaux sur l’impact de ces organismes génétiquement modifiés (OGM). Avec deux collègues scientifiques, nous avons publié dans un journal scientifique nos analyses quant à ces allégations (1). Voici l’essentiel de nos conclusions.

Nous démontrons que cette suspension est fondée sur une liste incomplète de références scientifiques, qu’elle ignore la démarche «au cas par cas», pourtant largement admise par les scientifiques en général et les agences d’évaluation en particulier (les arguments allemands mêlent deux maïs aux propriétés différentes, MON810 et Bt176), et confond le danger potentiel et le risque avéré (deux paramètres bien distincts de la procédure scientifique d’évaluation des risques).

En outre, nous n’avons trouvé dans notre étude exhaustive de la littérature scientifique aucune preuve concernant de prétendus effets délétères sur les animaux non cibles dans les conditions naturelles de terrain. Au contraire, les maïs résistants aux insectes ont généralement un impact environnemental plus faible que les traitements par insecticide chimique. Notre présente étude démontre aussi que des méta-connaissances sont disponibles sur ce maïs, mais qu’elles ont été ignorées par l’administration allemande qui a choisi certaines études individuelles, à la portée limitée mais supposées conforter sa thèse.

L’absence de cohérence de l’administration allemande est illustrée par le fait que le BVL en charge de «justifier scientifiquement» cette suspension est aussi coauteur d’un rapport appelé BEETLE, récemment mis en ligne sur internet (2), qui montre l’étendue des connaissances acquises sur la sécurité environnementale de ces OGM et qui contredit les propres allégations du BVL contre le MON810. Finalement, cela est anecdotique mais néanmoins révélateur, l’une des études présumées nouvelles (2009, sur des coccinelles), qui fournissait l’un des arguments avancés dans les médias par la ministre fédérale de l’Agriculture, Ilse Aigner, n’est pas si nouvelle que cela, puisque les données avaient déjà été publiées en allemand en 2004, ce que le BVL n’a pas jugé utile de mentionner.

Pour un chercheur de la recherche publique, ces mises en lumière de ce qu’il faut bien appeler des turpitudes politiques sont perturbantes. Il ne s’agit pas de prétendre que la science sait tout, mais il faut constater que ce qu’elle sait n’est pas pris en compte par certains gouvernements pour la prise de décision politique. Au contraire, les résultats scientifiques sont déformés et instrumentalisés.

Le gouvernement français a choisi cette voie depuis plus longtemps. Dans un livre récent, le journaliste Jean-Claude Jaillette avance des arguments crédibles quant à un accord conclu entre le gouvernement et les écologistes politiques afin de s’assurer de la participation de ces derniers au Grenelle de l’environnement (une opération qui permet à la majorité présidentielle de se positionner sur la case «écologie» de l’échiquier politique). Cet accord prévoyait le caractère intouchable de l’utilisation de l’énergie nucléaire civile avec comme contrepartie, entre autres, le sacrifice des OGM. Le gouvernement français devait donc, à l’issue du Grenelle de l’environnement, pour respecter l’accord antérieurement passé, fournir a posteriori de telles «justifications» scientifiques (justifications exigées par la réglementation de l’Union européenne). Cela fut tenté par le sénateur Legrand, qui présida un comité provisoire d’une «Haute Autorité» sur les biotechnologies, des travaux duquel il conclut le 9 janvier 2008 qu’il existe des «doutes sérieux» sur le maïs résistant aux insectes, ce qui fut réfuté le 11 janvier 2008 par 12 membres de cette commission sur 15! Il est à noter que les termes «doutes sérieux» avaient été utilisés par le président de la République française lors d’une conférence de presse le 8 janvier 2008 (soit la veille, ce qui confirme le caractère politique des «conclusions» du sénateur Legrand). Le Ministère de l’écologie et du développement durable a ensuite eu recours à des scientifiques notoirement anti-OGM pour collecter lesdites justifications, en échouant à convaincre les agences d’évaluation française ou européenne. Ses arguments étaient en effet aussi orientés que les récentes allégations allemandes, c’est-à-dire qu’ils procédaient d’une vision partielle et partiale des connaissances scientifiques acquises à ce jour, afin d’être en adéquation avec une décision politique.

L’atmosphère morale dominante en Europe, à laquelle se soumet une bonne partie de la classe politique, empêche les biotechnologies végétales d’être perçues comme un enjeu stratégique pour construire l’avenir de son agriculture. Les plantes transgéniques sont au contraire devenues l’objet de tractations politiciennes. En tant que chercheur, je ne m’oppose pas à des choix politiques mais à l’emploi d’arguments faussement scientifiques pour les justifier. Il appartiendra aux historiens d’analyser les causes et conséquences des dérives pseudo-scientifiques des gouvernements cités, auxquels on peut ajouter ceux d’autres pays qui ont adopté des postures anti-OGM, comme l’Autriche ou le Luxembourg. Ne généralisons pas cependant: le gouvernement suisse, par exemple, a toujours pris une position objective. Il sera intéressant de suivre le débat des Chambres fédérales suisses cet automne lorsqu’il y sera question de la prolongation du moratoire…

1. Le texte intégral (anglais) : http://www.springerlink.com/content/r6052757667ng364/fulltext.pdf

2. Le rapport final Beetle (anglais) : http://ec.europa.eu/environment/biotechnology/pdf/beetle_report.pdf

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