par Michel NAUD
José Bové, le plus médiatisé des « citoyennistes », accédait à la célébrité par sa participation active à la destruction de semences biotechnologiques en 1998 (condamnation à quatre mois de prison avec sursis), puis en 1999 au saccage baptisé « démontage » du Mc Donald’s de Millau (trois mois de prison ferme) ainsi qu’à la destruction de la serre de confinement du CIRAD (de Montpellier (six mois de prison ferme).
A l’issue de cette dernière condamnation, José Bové déclarait : «Aux ordres du pouvoir économique, les magistrats de Montpellier nous ont condamnés. Mais nous avons déjà gagné une bataille. Aucune firme privée ou publique n'a déposé depuis un dossier devant la commission de génie biomoléculaire pour pratiquer des essais.»
Depuis, José Bové peut se targuer d’avoir gagné d’autres batailles. Par exemple la conversion des peines de prison en « jours amendes ». C’est ainsi qu’à l’occasion d’un énième procès, en 2006 à Bordeaux, pour la destruction de 2320 tonnes de maïs transgénique, la présidente du tribunal lui expliquait : "Vous avez le choix de payer au terme de la période de 200 jours à 60 euros ou de faire un jour de prison par jour-amende non payé", en précisant qu'ils pouvait bénéficier d'une "réduction de 20% du montant" s'il payait sous un mois. Il n’est même plus besoin de jours amendes puisque les « faucheurs volontaires » qui ont saccagé les vignes de Colmar se sont trouvés relaxés…
Fermes des mille vaches
Un nouvel épisode s’est ouvert la semaine dernière, le 28 mai 2014. Un collectif… « citoyen », bien sûr, et les militants locaux de la Confédération Paysanne ont décidé que la ferme intitulée la « ferme des mille vaches », ferme d’élevage pour la production de lait, ne correspondait pas à la vision qu’ils préconisent pour l’agriculture. Ainsi donc cette ferme, bien qu’ayant reçu toutes les autorisations et se construisant dans la légalité, doit être démontée, et d’inviter la presse, suivant leur savoir faire médiatique habituel, pour assister en direct au « démontage ». Les gendarmes embarquent quelques meneurs, dont le porte-parole de la Confédération Paysanne, pour les entendre et Hervé Kempf, à l’issue de son long reportage, de conclure « étrange pays, étrange gouvernement, en ce jour où le porte-parole du deuxième syndicat agricole français a passé la nuit, incarcéré. » José Bové, nouvellement réélu au parlement européen et candidat pour son groupe écologiste à la présidence de la commission européenne, déclarait à son tour « Je félicite la Confédération paysanne pour la détermination avec laquelle elle mène le combat pour une agriculture paysanne et contre les grands projets inutiles. » et de rajouter « Cette répression syndicale est complètement inacceptable. Je demande la libération immédiate des personnes gardées à vue. »
Séquestrations
C’est ainsi que les citoyennistes, déjà entraînés aux « inspections citoyennes » (ayant pénétré dans le centre d’Angers de l’INRA pour demander des comptes au chercheurs) passent au stade de l’incarcération. Le 30 mai 2014, en réponse à la garde à vue de leurs militants dans la Somme, un groupe de militants à séquestré un conseiller du Président de la république. "Tant qu'ils ne seront pas libérés, nous resterons ici (...). C'est un nouveau genre de rapport. C'est une garde à vue mutuelle" expliquait ainsi sans rire un des représentants de la Confédération paysanne. Après la levée de la garde à vue des cinq militants retenus à Amiens, le conseiller sortait libre à son tour.
Que peut-on constater ?
Les seules prises de positions politiques publiques sur ces affaires ont été celles de José Bové d’EELV, et ce pour se solidariser avec ces actions illégales.
Aucune prise de position gouvernementale. Pire, le ministre de l’agriculture, Stephane Le Foll, recevait les saboteurs et ne trouvait rien d’autre à leur dire que « Ce n’est pas mon projet. Je veux des agriculteurs à la tête des exploitations agricoles et pas des investisseurs. Ce n’est pas un modèle que je défends. »
A ce jour, la seule prise de position qui ose faire entendre une différence est celle de la journaliste Michèle Cotta dans le Point : « Des paysans ont saccagé une exploitation laitière géante de la Somme, avec la bénédiction de leur ministre. Une action stupide. »
Impunité totale
Le seul message adressé de facto aux destructeurs volontaires, que ce soit de champs, de fermes, d’usines, de centre de recherches publics ou privés, c’est celui de l’impunité totale pour les actions menées au nom du « citoyennisme ». C’est celui de la démission totale des gouvernements successifs de ces quinze dernières années, et que cela va en s’empirant. Pour paraphraser, de façon désabusée, une célèbre chronique de France Info, « nous vivons une époque postmoderne… »
Il serait temps, peut-être, de prendre conscience que, comme d’autres –ismes, le « citoyennisme » est une référence abusive, dévoyée, à la citoyenneté, qu’il lamine les libertés publiques tout comme l’égalité en droit des citoyens.
Que faut-il attendre pour que la délinquance « citoyenniste » soit reconnue pour ce qu’elle est ?