Pour ou contre une proposition de loi visant à interdire la culture en France du maïs génétiquement modifié MON 810, autorisé dans la Communauté Européenne, sachant que cette loi sera annulée par le Conseil Constitutionnel car contraire aux lois de la Communauté. La grosse astuce est que le délai avant cette annulation sera suffisant pour interdire de fait de semer ce maïs cette année en France.
L'analyse d'Yves Barois, citoyen retraité néanmoins attentif.
J’ai tenu à vous en informer pour deux raisons :
• la première est un discours remarquable de M. Bernard Accoyer qui donne une excellente analyse, non seulement de la proposition de loi, mais également des doctrines et pratiques politiques des écologistes français et des relations surprenantes de deux partis politiques avec ces « mamanjaipeurs ».
• la seconde est l’étonnant amendement proposé par Mme Brigitte Allain (député écologiste de la Dordogne) : une correction toute simple — remplacer « MON810 » dans le texte de loi par « les plantes génétiquement modifiées ». Cette proposition est le signe d’un esprit simpliste (c’est un euphémisme), et montre plus généralement que les Verts ont une doctrine comme certaines sectes, avec des articles de foi qui ne font pas dans la nuance, ici interdire toutes les plantes génétiquement modifiées, là arrêter l’électronucléaire, ailleurs supprimer les cultures à bon rendement, et bien d’autres lubies. Mes voisins agriculteurs (maïs, colza, tournesol…) me disent souvent que s’ils pouvaient semer un maïs résistant à certains prédateurs cela leur permettrait des économies substantielles en produits phytosanitaires. Un face-à-face avec Mme B. Allain, agricultrice également, serait plein d’intérêt !
Si vous souhaitez vous documenter sérieusement sur ces sujets je vous recommande :
• OGM, la question politique. (Marcel Kuntz - Presses universitaires de Grenoble - janvier 2014) : tout à fait adapté au débat cité ci-dessus.
• Ils ont perdu la raison. (Jean de Kervasdoué - Robert Laffont - janvier 2014) : sur les lubies gouvernementales récentes et à venir.
• La démocratie des crédules. (Gérald Bronner - Presses universitaires de France - mars 2013) : pourquoi la désinformation domine dans les médias, en particulier sur Internet ; sur le recul de la pensée et du discours rationnel.
• Un excellent site Internet pour se tenir informer de l’état des connaissances sur beaucoup de sujets visés par la désinformation, de l’Association pour l’information scientifique (AFIS) bien entendu accusée de « scientisme », d’être suppôt des lobbies OGM, nucléaire, téléphoniques… par les « mamanjaipeurs ».
Voir ci-dessous deux extraits de ce débat du 15 avril 2014 à l’Assemblée Nationale.
CITATION 1 :
— M. BERNARD ACCOYER. Cette nouvelle proposition de loi interdisant la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON 810 est, comme les précédentes, contraire à la Constitution mais également à plusieurs dispositions légales et réglementaires. Elle n’a pas de fondement scientifique sérieux. Elle s’inscrit dans une idéologie et un renoncement politiques qui s’opposent au progrès en s’appuyant sur des allégations sans preuve et des peurs injustifiées.
Le choix du Gouvernement de soutenir cette proposition de loi, qu’il a fait inscrire dans son ordre du jour réservé, revêt un caractère paradoxal. D’une part, le Gouvernement affiche dans ses discours l’objectif de redressement économique et de compétitivité en se tournant vers la recherche et l’innovation, une démarche justifiée que nous partageons, mais, d’autre part, il barre la route à la transgénèse, à nos semenciers, à l’agriculture française, à l’innovation et au progrès. Même si le Gouvernement français n’est pas le seul en Europe à refuser la transgénèse, il est celui dont l’attitude est la plus acharnée, la plus incompréhensible sur le plan scientifique et sur le plan économique. Cette attitude s’inscrit dans une dérive déconstructrice qui menace les fondements de notre société et de notre histoire nationale.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque que j’ai l’honneur de soutenir une motion de rejet préalable au nom du groupe UMP, je dois d’abord rappeler que cette proposition de loi est contraire à l’article 88-1 de la Constitution, qui reconnaît le principe de primauté du droit européen sur la loi française. Elle est également contraire à l’article 54 du règlement 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 qui fixe les procédures que tout État membre doit respecter pour assurer la sécurité alimentaire de ses citoyens. En effet, le droit européen ne permet pas aux États de prendre une mesure d’interdiction générale de la mise en culture de variétés de maïs génétiquement modifié sur son territoire national. Pour prendre de telles mesures de suspension ou d’interdiction de l’utilisation ou de la mise sur le marché d’un OGM tel que le MON 810, l’État membre doit informer la Commission des mesures envisagées et établir, je cite, « outre l’urgence, l’existence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement ». Or nous ne sommes pas devant un tel péril.
Le Conseil d’État l’a rappelé dans son arrêt en date du 28 novembre 2011, faisant suite à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en date du 8 septembre 2011. Cet arrêt du Conseil d’État a d’ailleurs annulé l’arrêté ministériel de 2007 suspendant l’utilisation des semences de maïs MON 810. Le Gouvernement français a de nouveau essayé de faire jouer la clause de sauvegarde, en 2012, mais ce nouvel arrêté a été à son tour annulé par le Conseil d’État le 1er août 2013. Je voudrais rappeler les motifs de cette décision du Conseil d’État, quasi identique à celle qu’il avait rendue le 28 novembre 2011 à l’encontre d’un arrêté pris par le précédent gouvernement. Je cite l’arrêt du Conseil d’État : « Il ressort des termes mêmes de l’avis du 8 décembre 2011 de l’Autorité européenne de sécurité des aliments que le maïs génétiquement modifié MON 810 n’est pas susceptible de soulever davantage de préoccupations pour l’environnement que le maïs conventionnel. » Le Conseil d’État s’est appuyé sur l’avis des agences publiques européennes telles que l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Or, si la France s’est elle aussi dotée d’agences, c’est pour disposer d’avis scientifiques objectifs offrant le maximum de garanties. Si nous essayons de les faire mentir quand ces avis ne nous conviennent pas, à quoi bon avoir créé ces agences et sur quels repères scientifiques s’appuyer ?
Cette interdiction ne peut pas davantage se fonder sur le principe de précaution proclamé par la Charte de l’environnement inscrite dans le Préambule de la Constitution. Ce principe dispose, je cite, que « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
En l’espèce, les innombrables études scientifiques déjà réalisées, les millions d’hectares de surfaces cultivées dans le monde sans aucun dommage, même minime, permettent d’écarter « l’éventualité d’un dommage pouvant affecter de manière grave et irréversible 1’environnement ». L’interdiction que le groupe socialiste nous propose aujourd’hui d’adopter n’est pas, à l’évidence, une mesure proportionnée au sens de la Charte de 1’environnement. Cette interdiction se fonderait sur une approche purement hypothétique du risque, sur de simples suppositions scientifiquement jamais vérifiées.
À cet égard, je veux souligner que la publication de Campagne et al., 2013, expressément citée – c’est d’ailleurs la seule – dans l’exposé des motifs de la proposition de loi du groupe SRC, n’apporte pas de nouvel élément scientifique probant. Et pour cause, l’insecte ravageur Busseola fusca auquel cette publication se réfère est un papillon présent uniquement en Afrique subsaharienne. Cette référence n’a donc pas de rapport avec le cas, comme l’a très bien rappelé Georges Pelletier, ancien directeur de l’INRA et membre de l’Académie des sciences, dans la lettre ouverte qu’il a adressée au Gouvernement le 20 janvier dernier.
Ainsi, en aucun cas, le Gouvernement et sa majorité ne peuvent recourir à la loi pour prononcer l’interdiction. En effet, une fois que l’autorisation a été donnée, elle s’impose à l’ensemble des pays de l’Union européenne.
En réalité, aucune situation d’urgence ni aucun risque pour la santé ni l’environnement ne justifie une telle proposition, parce que nous disposons en France d’un arsenal juridique d’encadrement des mises en culture des espèces OGM pleinement respectueux du principe de précaution, et élaboré après un travail approfondi.
Nous avons légiféré en 2008 pour transposer la directive 98/8/CE. Le texte adopté a permis de doter la France de dispositions législatives équilibrées et complètes. Avec l’affirmation de la liberté de produire ou de consommer avec ou sans OGM, la volonté de l’agriculteur et celle du consommateur sont respectées. Ce texte fondateur a instauré un régime de responsabilité sans faute à l’égard du préjudice éventuel dû à une dissémination fortuite d’OGM. Il a également mis en place une information des citoyens par le biais d’un registre national des cultures OGM. Les questions de dissémination et de pollinisation croisée ont été traitées par l’instauration de distances appropriées entre différents types de cultures.
Enfin, le législateur a pris soin de créer une instance unique, indépendante et pluridisciplinaire, le Haut conseil des biotechnologies. Au sein de cet organisme, il a bien distingué l’avis des experts, réunis au sein du comité scientifique, de la parole de la société civile, représentée par le comité économique, éthique et social, dans le respect des points de vue de chacun.
Aujourd’hui, notre arsenal législatif est largement suffisant. Efforçons-nous simplement de le respecter et de l’utiliser comme il convient. Cette proposition de loi ne respecte donc pas les règles de notre constitution, ni la législation européenne, ni même nos lois en vigueur, et c’est pour cela que le Sénat l’a sanctionnée et que nous devons à notre tour la sanctionner.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, en vérité, derrière cette proposition totalement contraire à l’État de droit– nous l’avons démontré –, il y a surtout le chantage permanent qu’exercent les Verts sur leurs partenaires socialistes, sur le Gouvernement et les pressions qu’ils mettent sur les médias et l’opinion. A-t-on jamais vu une telle précipitation ? Quel danger imminent pour la population justifie une telle accélération de la procédure parlementaire sans que nous disposions d’une étude d’impact, sans l’avis du Conseil d’État, sans celui de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, ni celui du Haut conseil des biotechnologies ?
C’est dans la même précipitation que les présidents de la commission du développement durable et de la commission des affaires sociales nous ont fait auditionner, toute affaire cessante, le professeur Séralini, scientifique contesté, le 9 octobre 2012, sur le mode d’un plan médias totalement opposé aux fondamentaux de toute publication scientifique méritant ce nom. Depuis, les conditions de réalisation de cette sulfureuse étude ont été récusées par la totalité de la communauté scientifique. Cette publication a même été retirée de son site par la revue qui l’avait mise en ligne.
Cette précipitation des socialistes à courir une nouvelle fois derrière les Verts pourrait apparaître comme dérisoire, si elle n’était catastrophique pour la filière semencière française, longtemps la première du monde, filière qui est ainsi victime de l’idéologie et du sectarisme. Aujourd’hui, la recherche semencière française est dans une situation catastrophique. En réalité, est apparue en France, il y a une quinzaine d’années, une idéologie qui se refuse à accepter les données de la science. Cette idéologie n’accepte pas les données scientifiques objectives ni les conclusions rationnelles. Pourtant, celles-ci sont admises comme vérités par l’immense majorité de ceux et de celles qui composent la communauté scientifique mondiale.
Les thèmes de prédilection de ces idéologues se caractérisent par de grossiers amalgames, des contre-vérités, des peurs et des menaces sur lesquels ils construisent leurs discours. Ainsi, parler comme eux des OGM, qui constituent un ensemble gigantesque et illimité, traduit une opposition de parti pris contre une technique qui permet de modifier les propriétés d’une espèce vivante. Or l’homme a depuis toujours, au travers du travail de sélection et de croisement, cherché à obtenir des semences pour produire les espèces végétales les plus favorables aux meilleures productions selon les besoins.
Le préjugé de ces idéologues est de refuser la transgénèse végétale, quelle qu’elle soit, quand celle-ci est introduite par la main de l’homme. C’est sans fondement, c’est sans logique, c’est péremptoire ! Et pourtant, ces idéologues ont réussi à convaincre une part importante de l’opinion publique. Il faut dire que leurs méthodes pour persuader sont celles de la manipulation sectaire, fabriquant leurs propres vérités, accusant leurs détracteurs de conflits d’intérêt et de corruption, les menaçant et allant même jusqu’à l’illégalité et à la violence comme l’ont fait les faucheurs volontaires de M. Bové, en détruisant cultures autorisées et expérimentations scientifiques avec la complaisance de beaucoup de médias friands de polémiques, de scénarios catastrophes, de complots et de peurs – autant de scénarios dont ces idéologues sont des spécialistes. Les premières victimes de ces idéologues sectaires sont les agriculteurs, les semenciers et les chercheurs : trois secteurs majeurs pour notre économie, notre compétitivité et notre avenir. Mais au-delà, ce sont tous les citoyens qui sont abusés et lésés. Les gouvernements successifs de notre pays ne sont pas sans responsabilité, car ils ont manqué et ils manquent toujours non seulement de culture scientifique, mais surtout de courage politique. C’est encore le cas aujourd’hui de la majorité et du gouvernement qu’elle soutient.
Toutefois, je reconnais volontiers que, dans le passé, la majorité de droite n’a pas toujours fait preuve d’assez de courage et je le dénonce tout autant. Mais, mes chers collègues, il n’y a pas que la transgénèse qui est la cible de ces idéologues, il y a aussi les ondes de radiotéléphonie mobile, les vaccins ou les nanotechnologies, et pour chacun de ces domaines la remise en cause des vérités scientifiques admises a des conséquences paradoxales graves voire mortelles.
Ainsi, réduire la puissance d’émission des antennes de radiotéléphonie mobile entraîne une émission beaucoup plus forte du téléphone portable lui-même et, par conséquent, une exposition plus importante de l’utilisateur. Admettez que c’est paradoxal ! Heureusement, à ce jour, aucun effet délétère sur la santé de ces ondes, telles qu’elles sont mises en œuvre, n’a été démontré scientifiquement. De même, la polémique, il y a plus de vingt ans, autour de la vaccination contre l’hépatite B, sans qu’aucune étude scientifique au monde ne l’ait depuis justifiée, a entraîné un abaissement du taux de couverture vaccinale de la population. Les Français sont donc aujourd’hui plus souvent que les autres Européens victimes de complications aiguës ou chroniques de l’hépatite qui, dans certains cas, peuvent être graves voire mortelles.
Ne doutons pas que la polémique récemment orchestrée autour du vaccin contre le cancer du col de l’utérus aura les mêmes effets sur le taux de couverture vaccinale et donc sur la morbidité et la mortalité par cancer du col de l’utérus.
Quant aux nanotechnologies, leurs contempteurs, qui se sont opposés violemment au déroulement du débat public organisé par le gouvernement Fillon, procèdent de la même façon par amalgames. Pourtant, je suis certain que lorsque l’un de ces opposants souffrira d’un cancer, ce que je ne saurais lui souhaiter, il acceptera sans protester les bénéfices remarquables que les nanotechnologies apportent à ces traitements comme à tant d’autres d’ailleurs.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà de cette proposition de loi, ne croyez-vous pas qu’il est temps de retrouver un peu de bon sens et qu’au pays des Lumières, de Pasteur et de Joliot-Curie, nous ne devions dépasser nos différences politiques pour nous retrouver autour d’une volonté commune pour la recherche, l’innovation, bref l’utilisation du génie humain au profit du progrès ? L’histoire de l’humanité, comme la réussite de notre beau pays, en sont l’heureuse conséquence. Au-delà de l’inconstitutionnalité de cette proposition de loi que ne manquerait pas de sanctionner le Conseil constitutionnel, c’est aussi pour cela que je vous invite à voter cette motion de rejet préalable.
(NDLR. J’ai supprimé les nombreuses petites interventions d’autres députés pendant cette remarquable analyse de M. Accoyer)
CITATION 2 :
— Mme BRIGITTE ALLAIN. Cet amendement a pour objet de substituer aux mots « des variétés de maïs génétiquement modifié » les mots « de plantes génétiquement modifiées (… ) ». Je vous remercie, monsieur le président de la commission du développement durable, d’avoir rappelé que nous avions déposé une proposition de loi qui allait dans ce sens. Je vous remercie également d’avoir rappelé que c’est d’abord et avant tout un choix de société : quelle agriculture voulons-nous ? Quelle agriculture pour quelle alimentation ? Voilà le problème de fond !
Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit cet après-midi. Cela étant, chers collègues, je vous ai attentivement écoutés : vous n’avez cessé d’évoquer les « OGM », les « plantes OGM » – et quelquefois seulement, vous avez parlé du « maïs » : c’est restrictif, car cela ne concerne pas que le maïs. Allons-nous faire une loi pour chaque plante OGM ? Compte tenu de ce que j’ai entendu, je pense que vous ne pouvez qu’adopter le présent amendement, car sinon ce serait incompréhensible.