1. La première n’est pas à proprement parlé une contrevérité, plutôt l’illustration de l’imagination sans borne de l’Union européenne lorsqu’il s’agit de pondre des réglementations aussi absurdes que contre-productives. En 1990, les Etats-membres ont ainsi créé le concept d’« OGM ».
La Directive (alourdie en 2001) définit par la loi ce qu’est une « modification génétique » et ce qui ne l’est pas (mais qui l’est quand même scientifiquement), tout en exonérant de la réglementation des modifications génétiques qu’elle reconnait comme telles plus haut dans le texte de la Directive.
Il reste donc au final une technique, la plus récente à l’époque (la transgénèse), sur laquelle pèsera, sans preuve d’une quelconque nécessité scientifique, des contraintes d’évaluations lourdes et coûteuses.
Il faut garder en mémoire pour ce qui suit qu’un OGM est défini réglementairement par une méthode d’obtention dudit organisme et non par ses propriétés, ce qui serait plus pertinent.
2. La meilleure illustration de “la post-vérité" sur les OGM est l’allégation qu’ils seraient stériles. Ce mythe provient d’une extrapolation abusive : des brevets décrivent effectivement des concepts pour produire des graines stériles. Mais sur le terrain, aucune variété de plante dans cette catégorie réglementaire des « OGM » n’est stérile.
3. La "post-vérité" n’a pas besoin n’être cohérente : ainsi ces allégations de stérilité sont en contradiction manifeste avec d’autres affirmant que les OGM vont se disséminer partout. Alors, « stérile » ou « tout envahir », il faut choisir ! En fait, c’est ni l’un ni l’autre.
4. L’agriculteur n’aurait plus le droit de ressemer une partie de sa récolte à cause des brevets. Cet argument a permis aux opposants de mobiliser une partie de la société civile contre les OGM, sur le thème d’une « appropriation » des semences, voire d’un « contrôle sur notre alimentation ». Pourtant c’est un mensonge : la législation européenne sur les brevets concernant les inventions biotechnologiques permet à l’agriculteur de produire des semences de ferme pour son propre usage (voir la Directive Européenne 98/44/EC et l’article 14 du règlement (CE) n° 2100/94).
5. Bobard apparenté au précédent, un agriculteur pourrait être contraint de payer alors que l’OGM est arrivé par hasard dans son champ. En réalité, aucun agriculteur, dans aucun pays, n’a à payer de “royalties” si des traces d’OGM sont détectées dans son champ, par exemple à la suite d’une pollinisation fortuite d’un champ voisin. Ce mythe a été construit autour de l’agriculteur canadien Percy Schmeiser.
Les lobbies anti-OGM ont ici habilement exploité le thème de David (le “gentil petit agriculteur”) face à Goliath (la “méchante grande multinationale”) à la suite d’un procès intenté par Monsanto à cet agriculteur. En réalité la justice canadienne a établi qu’il y a eu des actes délibérés de l’agriculteur pour s’approprier des semences sans s’acquitter des “royalties” selon la réglementation canadienne.
6. Les OGM seraient un échec, leurs rendements ne seraient pas meilleurs. Il faut d’abord noter qu’aucun de ces organismes n’a été amélioré pour augmenter les rendements, mais plutôt pour éviter des pertes de rendements (dues à des insectes ravageurs ou à des mauvaises herbes). La réalité est que ~18 millions de fermiers dans 26 pays (dont 19 pays en développement) ont choisi des OGM, là où ils étaient libres de le faire (ce qui n’est pas le cas dans la plupart des pays européens).
7. Des rapports démontreraient des effets toxiques dans l’alimentation. Si cela était le cas, sachant que de nombreux pays utilisent des OGM pour nourrir leur bétail depuis 1996, cela aurait été constaté par les éleveurs et les vétérinaires.
Il suffit pour se rendre compte des manipulations sur ce sujet d’examiner les photographies propagées par le chercheur-militant Séralini en septembre 2012 :
chacun a vu sur internet ces photos de rats affligés de tumeurs monstrueuses. Est-ce la preuve ? Regardons de plus près les photos : un rat avait mangé un OGM, l’autre bu un herbicide et le troisième mangé l’OGM ET bu le produit chimique (pendant 2 ans). Oui, mais où est le rat témoin (sans consommation d’OGM et sans avoir bu l’herbicide) ? Il n’est jamais montré, et pour cause : il avait aussi des tumeurs, tout simplement parce que les rats de cette race développent fréquemment des tumeurs lorsqu’ils sont âgés.
Sur l'Affaire Séralini, lire ce résumé documenté.
8. Les OGM affecteraient « la biodiversité ». En réalité, il faut distinguer cas par cas.
Certains organismes (comme le maïs MON810 qui a obtenu une autorisation européenne en 1998) ont été améliorés pour produire eux-mêmes une protéine aux effets extrêmement spécifiques contre certains insectes ravageurs. Le même principe actif combat également des insectes nuisibles, en agriculture (biologique) et jardinage, cette fois par épandage. Et cela depuis des décennies ! Sans problème constaté !
9. Des super-mauvaises herbes seraient apparues. En fait, si on utilise année après année le même herbicide (ou tout autre produit), les organismes visés deviennent résistants. Rien de nouveau, ni spécifique aux OGM. Cela est le cas pour tous les herbicides utilisés. Le problème vient d’une mauvaise gestion agronomique de ces phénomènes (pas la catégorie juridique «OGM» en tant que telle, mais leur utilisation productiviste).
10. Les OGM seraient insuffisamment étudiés ou uniquement par les industriels. En réalité, les évaluations imposées par la réglementation européenne sont disproportionnées par rapport aux risques réels (très faibles et de même nature que ceux des autres méthodes d’amélioration des plantes non soumises à de telles évaluations). Elles continuent à être alourdies sans raison scientifique.
Indépendamment des industriels, la recherche publique, dans de nombreux pays, ont réalisé des études dans tous les domaines (santé et environnement). Il en existe des milliers (voir mes articles de revue, dans des journaux scientifiques, sur ce sujet). On peut citer les études toxicologiques du projet européen «GRACE» ou encore du projet «G-TwYST» (qui ont notamment répété les expériences de Séralini et collègues, en les infirmant). Les études sérieuses ne justifient aucun alarmiste.
Il n’existe aucun organisme scientifique digne de ce nom qui confirme les allégations sur les risques des opposants.
Ce qui devrait nous inquiéter ce n'est pas la catégorie réglementaire des "OGM", mais que des mensonges maintes fois répétés puissent devenir "vérité" médiatique en démocratie...
Version originale publiée dans ce magazine.